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02 juillet 2018

Intimité et sexualité des mineurs incarcérés : retour d'un atelier lors de la 36ème JPJ

Lors de la 36èmeJournée Prison Justice, j'ai eu la chance d'assister à un atelier animé par deux chercheurs (Arthur Vuattoux et Yaëlle Amsellem-Mainguy) qui ont mené une enquête sur l'intimité et la sexualité des mineurs incarcérés. Suite à une commande du ministère de la santé, ils ont mené une enquête quantitative par entretiens (tous anonymes, avec une participation volontaire des enquêtés) dans cinq prisons représentatives (2 établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), 3 maisons d'arrêt) auprès de 72 jeunes (dont 12 filles) âgés de 14 à 18 ans et de 59 professionnels (surveillants, enseignants, éducateurs, membres du corps médical).

Cette étude est particulièrement pertinente puisqu'elle s'intéresse à des jeunes qui souvent échappent aux enquêtes, plutôt plus précoces en matière de sexualité et qui passent souvent à côté des sensibilisations en milieu scolaire (décrochage scolaire). Elle avait notamment pour objectif d'identifier des moments clés pour la prévention et de comprendre l'impact de la prison sur les parcours de santé. Ce travail a donné lieu à une restitution et à des débats avec les enquêtés avant diffusion.

 

J'ai retenu quelques points marquants de cette intervention notamment le fait que les surveillants restent des interlocuteurs importants pour ces jeunes lorsqu'ils se posent des questions en matière de sexualité. Les surveillants sont présents dans leur quotidien et disponibles dans les moments de crise (la nuit par exemple). Et pourtant, les personnels pénitentiaires ne sont pas formés sur ces questions.

Si pour les jeunes, la prison peut être un lieu de prévention, ils ont tendance à rejeter des interventions descendantes d'associations dont le fait d'évoquer certaines problématiques avec eux en particulier (lutte contre l'homophobie ou sensibilisation au dépistage VIH) est perçu comme stigmatisant et méprisant (sous-entend "qu'on est sales, crasseux"). Ils souhaitent davantage de discussions collectives sur le modèle des ateliers philosophiques par exemple où la sexualité peut être un thème à aborder comme un autre. Une absence totale de coordination des actions de prévention a d'ailleurs été mise en lumière (plusieurs actions aux mêmes moments, des périodes creuses avec des jeunes non sensibilisés) ainsi  qu'un manque de communication autour (regrets de certains surveillants qui sont confrontés aux questions différées).

Les parloirs, lieu de discussions un peu intimes, de contacts physiques parfois (caresses, calins..) sont parfois boudés par les jeunes parce qu'ils donnent trop à voir d'eux (pas de box en EPM), tout ce qui s'y passe est rapporté et peut se retourner contre eux.

Si normalement, entre jeunes, ils ne doivent pas connaitre les motifs d'incarcération, en réalité, les "pointeurs" restent repérés ou suspectés de l'être et sont considérés comme la caste la plus basse, à rabaisser voire violenter (violence tolérée voire acceptée).

Chez les filles, la question des règles est beaucoup survenue, beaucoup disposent de peu d'information et se sentent démunies et ignorantes au moment des premières règles. Le fait de ne pas avoir de choix quant aux protections hygiéniques (protection de type post-maternité, épaisses et non collantes) et en accès limité crée un fort ressentiment et génère de l'angoisse (celle de la tâche, particulièrement sensible à l'adolescence, et très stigmatisante en prison).

 

Ne pouvant être exhaustive je ne peux que vous conseiller d'aller voir le rapport en ligne ainsi qu'un quatre pages plus synthétique sur le lien suivant : www.injep.fr

 

Chloé REINICHE

(Genepi 2002 à 2005, Clermont-Ferrand)