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22 avril 2017

Parloirs familiaux

Les associations et la contrôleuse des lieux de privation de liberté, mobilisent la presse sur les questions d'insalubrité de certains établissements pénitentiaires.
Entre décembre 2016 et février 2017, je me suis rendue chaque semaine dans l'un des plus insalubres de ces établissements, Fresnes, pour y rendre visite à un « jeune majeur » que j'ai eu en suivi pendant quatre ans, dans mes missions d'éducatrice. Fresnes est une prison que je connais bien, j'y ai été génépiste et responsable de groupe entre 1999 et 2002, mais au cours de ces récentes visites, j'ai découvert un côté de la prison auquel je n'avais pas encore eu accès : les parloirs famille.

Que ce soit comme génépiste, ou maintenant comme éducatrice, mes visites en prison ont toujours eu lieu du côté des professionnels c'est à dire là où se déroule la vie des détenus. Ces quelques mois à rendre visite chaque semaine à ce jeune homme, m'ont permis de constater les conditions indignes dans lesquelles les établissements pénitentiaires peuvent recevoir les familles de détenus et surtout leurs enfants.

Vouloir visiter un détenu exige d'arriver au moins 45 minutes avant l'heure du parloir, de laisser toutes ses affaires personnelles dans des casiers plus ou moins grands, plus ou moins en état de fonctionnement.

Seuls sont admis en détention les bouteilles d'eau de 50cl scellées, les mouchoirs en papier, et en présence d'enfants, un change, un jouet et un biberon (lequel est ouvert et reniflé par un.e surveillant.e afin de contrôler qu'il ne contient pas de substances illicites). Passée aux rayons X, la poussette est aussi autorisée.

Le contrôle « réussi », vous devez déposer votre pièce d'identité en échange de votre permis de visite.

S'ensuit une attente plus ou moins longue, dans une première salle, puis une seconde, avant un long couloir qui mène aux parloirs. Une odeur de rat mort et de salpêtre vous assaille alors.

Enfin arrivé à votre division, vous devez remettre votre permis de visite à la/au surveillant.e pénitentiaire qui vous indique le box dans lequel vous rencontrerez la personne que vous visitez. Ce box est minuscule, environ 1,10m x 1,50m. En 1ere division, les murs béton son recouverts d'isorel, les portes de chaque box comportent une vitre centrale, seul élément rassurant en cas d'incendie. En effet, les surveillants vous y enferment à clés ....lorsque vous visitez un détenus,
vous devenez vous même détenus le temps de la rencontre, les enfants aussi ! Pas possible pour eux, de beaucoup gigoter dans un box où deux adultes tiennent déjà péniblement, encore moins de jouer par terre en raison de l'humidité ambiante, de la saleté du lieu (Les enfants, dès l'age de deux mois, peuvent rendre visite à leur parent détenu).

Il semble urgent que les autorités se penchent sur la question des parloirs familles. Jusqu’à preuve du contraire, les familles de détenus et en particulier leurs enfants, ne sont ni responsables, ni coupables de l'emprisonnement de leur proche... Alors, pourquoi doivent ils en subir l'enfermement et les conditions indignes d'accueil ?

Tout récemment, le film de Rachida Brakni, « De sas en sas », met en lumière ces questions d'accueil et de bien traitance des familles de détenus.

Un groupe de personnes : des femmes, toutes générations, origines sociales, culturelles confondues, une petite fille accompagnée de sa mère et un homme, sont à la Maison d'Arrêt des Hommes de Fleury-Mérogis, un jour de canicule. Le film les suit dans leurs différentes attentes pour passer les multiples sas, contrôles, avant de pouvoir accéder aux parloirs pour y retrouver leurs proches.

Tout au long du film, on assiste au délitement du lien qui semble unir ces femmes. De l'autre côté des barreaux, le mal être des surveillants pénitentiaires les plus anciens et les mauvaises conditions de travail vont entraîner un jeune surveillant à renier ses pratiques humanistes.

Le film de Rachida Brakni a le mérite d'exister pour la vulgarisation qu'il fait, des conditions de travail des personnels pénitentiaires et des conséquences familiales de l'incarcération d'un proche. Il met également en lumière le traitement que la justice et en particulier l'administration pénitentiaire réserve aux familles de détenus et leurs enfants.

 

Ethel Jaloustre