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25 septembre 2017

Parole d'ancienne: Emmanuelle Le Nagard

J’ai été bénévole au Genepi pendant trois ans, entre 1987 et 1990, à La Santé (Paris), à raison d’une heure de cours par semaine (cours d’alphabétisation, revue de presse) mais, également, en tant que responsable du groupe de La Santé et trésorière nationale bénévole. J’ai eu également l’occasion de réaliser un voyage d’étude pour le Genepi dans les prisons de la République d’Irlande. J’étais alors étudiante à l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris (aujourd’hui ESCP Europe).

 

Même avant mon entrée à l’école, j’avais entendu parler du Genepi et cela avait particulièrement attiré mon attention. Le choix de m’engager dans le monde carcéral vient probablement d’une curiosité, de l’idée de comprendre, et d’aller dans un milieu radicalement différent de ce que j’avais connu, mais également un peu en rupture avec le milieu des écoles de commerce, avec des associations très « professionnelles ».

 

Même si ma première visite en prison est désormais lointaine, je me souviens de la vétusté de la prison de La Santé, et, une fois dans la salle de cours, de l’impression surprenante d’avoir affaire à des gens « comme les autres ».

 

A la fin de ma scolarité, j’ai essayé de maintenir un lien avec l’association mais cela devenait difficile en termes d’emploi du temps. J’ai arrêté à regret…

 

Je garde de ces années d’implication de nombreux points positifs : la découverte d’un univers, l’acquisition de connaissances juridiques et de terrain sur le milieu carcéral, l’apprentissage du débat dans les journées nationales et les assises, la rencontre avec des personnes qui sont restées, 25 ans après, des amis, une aventure humaine incroyable, avec des souvenirs inoubliables qui me resteront de certains détenus… Quant aux points difficiles, j’ai dû les oublier ! Trouver le temps était parfois malaisé, bien sûr, mais c’est bien peu au regard des apports.

 

Cette expérience a indirectement influencé ma vie personnelle : ma vision de l’être humain est sans doute plus indulgente, à l’opposé des jugements à l’emporte-pièce. Cela a conforté ma sensibilité politique de gauche, mon attention à ces questions dans l’actualité. Cela m’a donné l’envie très forte de revenir vers un engagement associatif caritatif lorsque j’aurai plus de temps.

 

Et bien sûr, mon engagement au Genepi a totalement modifié mon regard sur le monde carcéral. Je suis fermement convaincue que l’enfermement n’est que rarement la « solution », et que la société doit se donner des moyens pour permettre une réelle réinsertion. Le chemin est très long. Cela m’a également montré la distance qu’il peut y avoir entre une vision de terrain et la représentation dans les medias, ou dans le discours des politiques. Je me méfie beaucoup plus des idées reçues et du discours soi-disant informé des journalistes.

 

Emmanuelle Le Nagard,

professeure dans une école de commerce